Notre - Dame de Fournes


Il est certain qu’en 1046 Fournes a déjà son église ; en effet, une charte de la même date dit que Gérard 1er, Evêque de Cambrai et d’Arras, avait donné l’église Notre - Dame de Fournes et ses dépendances à l’Abbaye de St André du Câteau. Tout porte à croire qu’à cette époque, elle n’est qu’un modeste édifice.
C’est le culte de Notre - Dame de Fournes qui fit le renom de Fournes.
Les pèlerinages à ce sanctuaire sont très anciens. On y vient déjà du temps des Croisades (selon les Annales Gallo-Flandriae.R.P.Buzelin) mais c’est surtout vers le XIVème siècle que les pèlerinages deviennent célèbres. Les donations faites en reconnaissance des grâces reçues sont nombreuses et considérables. Elles ne consistent pas seulement en ornements artistiquement brodés, en vases d’or et d’argent, mais ce sont aussi des terres, des jardins, des dîmes, des rentes…

Toutefois, au début du XVème siècle, l’église de Fournes a les proportions d’une église de village. A cette époque, des reliques considérables sont exposées à la vénération des fidèles. Elles sont contenues dans une magnifique châsse revêtue d ‘or et d’argent :
« On y voyait du lait de la Sainte Vierge, de ses cheveux, de son habit et de son voile, le bras entier d’un martyr et une multitude d’autres ossements sacrés ». Les reliques de la Sainte Vierge avaient été rapportées de Terre Sainte par un Croisé, seigneur de Fournes. La Basilique de Notre - Dame de la Treille de Lille possède encore une relique des cheveux de la Sainte Vierge. Le Père Quaresmius, franciscain apostolique de la Terre Sainte, rapporte :
« A deux cents pas environ de la Grotte de la Nativité à Bethléem, se trouve une autre grotte dédiée à la Sainte Vierge. C’est là que Marie, en allaitant Jésus, aurait laissé tomber quelques gouttes de son lait et aurait communiqué à la terre une vertu miraculeuse pour les femmes ne pouvant nourrir leur enfant.»
Selon un ancien écrit arménien, les reliques dites « du lait de la Très Sainte Vierge »n’étaient autres que de la Terre de cette Grotte, délayée et séchée au soleil et c’est une relique semblable que possédait l’église de Fournes.
En 1566, les Gueux, tentés par l’appât d’un riche butin, après avoir pillé l’église d’Armentières et celle de Fromelles, se dirigent sur Fournes. L’église est complètement dépouillée, la châsse profanée, les reliques jetées par terre, l’or et l’argent enlevés.
Cependant les fidèles recueillent les reliques ainsi que la statue de Notre - Dame que les Gueux n’avaient pu emporter, cette dernière devenant miraculeusement si lourde qu’ils se trouvèrent forcés de la laisser. Les fidèles ne tardent pas à venir en foule remplacer les biens perdus, par leur générosité.
En 1582, la foudre tombant sur le clocher, fit fondre les cloches menaçant d’incendier l’église. Le clocher est rapidement reconstruit.
Au début du XVIIème siècle, Monseigneur Hermann Ottemberg, Evêque d’Arras, vient à Fournes vérifier l’image miraculeuse de Marie ; il reconnaît les reliques profanées par les Gueux et les renferme lui-même dans une châsse moins riche que la précédente.
En 1642, les Fournois se réfugient dans l’église pour échapper aux vexations des soldats espagnols qui se rendaient au siège de La Bassée. Pour les punir, les soldats y mettent le feu. L’église est bientôt un immense brasier : la statue de Notre - Dame et les précieuses reliques sont consumées. En cette même année, les fidèles se préoccupent de rebâtir leur église et la statue de Notre - Dame est remplacée par celle qui existe encore aujourd’hui. Elle porte gravée sur son socle la date de 1642 ; elle est en bois de poirier.
Les habitants de La Fresnoye, très pieux et généreux, prennent en charge le traitement du vicaire, son loyer ainsi qu’un supplément pour le clerc. Ils refont à leurs frais la porte extérieure du clocher et paient les honoraires des prédicateurs du Carême qui sont à tour de rôle, jusqu’à la Révolution, les Récollets de Rosembois et les Augustins de La Bassée.
Le clocher qui avait beaucoup souffert dans l’incendie de 1642 exige de grandes réparations ainsi que le chœur et la sacristie. En 1750, le bailli convoque les marguilliers et les notables de Fournes et décident d’un commun accord que les réparations incombent aux abbés et religieux de l’Abbaye de Saint-André du Câteau qui perçoivent la dîme. Ces derniers refusent et après deux années d’expertises, une sentence du souverain baillage de Lille en date du 10 février 1752, oblige les religieux du Câteau à reconstruire le chœur et la sacristie avec les agrandissements souhaités par les Fournois et à consolider les bases du clocher. Les travaux sont terminés en 1759.
Pendant la Révolution, Fournes n’est pas préservé de l’esprit d’impiété qui souffle sur la France. L’église est dépouillée de tous ses ornements et objets du culte et vendue pour un prix dérisoire à un certain Durot de Wazemmes. Elle sert de lieu de réunion à la société populaire et révolutionnaire de Fournes. La statue de Notre - Dame est préservée.
En 1802, le culte catholique est rétabli. Les Fournois rachètent l’église. Tout y manque mais en peu de temps, l’église redevient ce qu’elle était avant ces mauvais jours.

En 1840, l’église étant trop petite et incommode, le curé Mr Ducroquet, ouvre une souscription pour la transformer et l’embellir.
Une nouvelle nef Saint-Joseph est ajoutée fin 1840. La nef Saint-Nicolas est démolie et un mur est élevé pour séparer le chœur devenu sacristie.
Malgré ces agrandissements, l’église est toujours trop petite pour la population et ses pensionnats. La châtelaine d’alors, Madame Casteleyn lègue une somme importante pour subvenir aux améliorations. Cette somme placée à intérêts capitalisés ne sera utilisée qu’à partir de 1910.
La façade de l’église est en briques. Chacun des trois portails peints en vert, est surmonté d’une fenêtre en ogive. Sur celui du milieu, « le grand portail », une grande croix sans Christ, aux dimensions du portail lui-même, avec de gros clous forgés et l’inscription I.N.R.I. au sommet. Le clocher est doté d’une horloge monumentale à quatre cadrans. L’église paraît aussi large que profonde : quatre travées seulement. Des dalles en pierre bleue en bien des endroits, cèdent la place à des pierres tombales dont les inscriptions s’effacent.
Peu à peu, l’église se meuble et s’enrichit : de grandes orgues magistralement tenues par la famille Delval et surtout par le Maître Alex, quatre magnifiques vitraux de prix « Le Mariage de la Sainte Vierge » et « le Baptême de Notre Seigneur » placés dans le chœur, « Laissez venir à moi les petits enfants » dans la Chapelle de Saint- Michel et « La Mort de Saint Joseph » près de l’autel de même nom. Deux vitraux- grisailles viennent éclairer agréablement les deux plus petites fenêtres du chœur. Le Maître –Autel en bois sculpté provient en partie de Rosembois. La nef latérale droite est dédiée à sainte Philomène. C’est l’emplacement de l’église primitive. L’autel y est surmonté de la statue de la Sainte et le fond est garni d’une toile peinte la représentant. Elle est meublée des seules stations de Chemin de Croix et d’un modeste confessionnal ; un socle supportant la statue de Saint Antoine de Padoue y est dressé.
Cette nef est réservée au pensionnat de l’Education Chrétienne. A la seconde volée de cloches annonçant messe ou vêpres, deux à deux, les élèves s’avancent vêtues d’une pelisse au col blanc, accompagnées des religieuses. L’hiver, elles portent toutes à la main une sorte de boîte en fer, chauffe-pieds rempli de braises incandescentes.
Les religieuses ont leur chapelle mais elles aiment l’église de Fournes et on les y voit souvent.
En prolongement de la nef Sainte Philomène, se situe la chapelle Saint -Michel, seule partie de l’église ayant échappé aux désastres successifs : on l’appelle aussi la Chapelle des Fonts de baptême. Une balustrade la sépare de l’église.
De chaque côté de l’autel, deux statues : le Dieu de Pitié, statue datant du début du XVIème siècle, objet de vénération de toute la paroisse et une grande Vierge en bois d’une réelle beauté. Jadis, le Dieu de Pitié était placé à l’extérieur de l’église, adossé au mur Nord. Il est fait mention de cette statue dans certains actes du XVIème siècle et il est probable qu’elle est d’une antiquité beaucoup plus reculée. Il est représenté attaché à la colonne, couronné d’épines et venant de subir l’affreux supplice de la flagellation. L’exécution n’est pas artistique et pourtant le sculpteur a su donner à Notre Seigneur un air de souffrance résignée.
On raconte qu’en 1793, on voulut l’enlever de sa niche pour le traîner dans les rues du village; on le fit donc tomber par terre, on attela des chevaux, mais on ne parvint jamais à le faire bouger. Il fallut renoncer à l’entreprise après l’avoir mutilé. Le soir venu, les Fournois transportèrent facilement cette masse énorme et la portèrent dans l’église où elle y demeura durant la Révolution.